NOUVEAU TESTAMENT
PHILÉMON 1 + intro
LES PAROLES DE JÉSUS SERONT EN JAUNES
INTRODUCTION À PHILÉMON
L’épître de Paul à Philémon
Titre
Philémon, le destinataire de cette lettre, était un membre éminent de l’Église de Colosses (vv. #Phm 1-2 ; cf. #Col 4:9) qui se réunissait dans sa maison (v. #Phm 2). Cette lettre était pour lui, pour sa famille et pour l’Église.
Auteur et date
Paul est présenté comme l’auteur de cette lettre (vv. #Phm 1, #Phm 9, #Phm 19), et peu de commentateurs ont contesté cette paternité au cours de l’histoire de l’Église. En effet, il n’y a rien dans Philémon qui aurait pu pousser un faussaire à l’écrire. C’est, avec Ephésiens, Philippiens et Colossiens, l’une des épîtres de la captivité. Sa proximité avec Colossiens, que l’apôtre rédigea au même moment (environ 60-62 apr. J.-C.; cf. vv. #Phm 1, #Phm 16), convainquit très tôt les Pères de l’Église (p. ex. Jérôme, Chrysostome et Théodore de Mopsueste) qu’il en était bien l’auteur. Les listes les plus anciennes des livres du N.T., tel le canon de Muratori (environ 170 apr. J.-C.), incluent Philémon.
Contexte et arrière-plan
Philémon s’était converti à travers le ministère de Paul, probablement à Éphèse (v. #Phm 19), quelques années plus tôt. Suffisamment riche pour posséder une grande maison (cf. v. #Phm 2), il possédait au moins un esclave, un dénommé Onésime (littéralement « utile », un nom commun pour les esclaves). Onésime n’était pas chrétien lorsqu’il avait volé de l’argent (v. #Phm 18) à son maître afin de s’enfuir. Comme des milliers d’autres esclaves fugitifs, il s’était réfugié à Rome, cherchant à se perdre dans la capitale impériale, qui hébergeait un grand nombre d’esclaves anonymes. Dans des circonstances que l’Écriture ne rapporte pas, Onésime rencontra Paul en prison et devint chrétien.
L’apôtre se prit d’amitié pour cet esclave fugitif (vv. #Phm 12, #Phm 16), et il désirait garder Onésime à Rome (v. #Phm 13), où il lui rendait des services importants en prison (v. #Phm 11). Mais puisqu’il avait volé Philémon et s’était enfui, Onésime avait à la fois enfreint la loi romaine et fait tort à son maître. Paul savait que ces questions devaient être réglées et décida de renvoyer Onésime à Colosses. Il était trop dangereux pour lui de faire ce voyage seul (à cause des nombreux justiciers autoproclamés qui vivaient de la capture d’esclaves en fuite), si bien que Paul le renvoya avec Tychique, qui retournait à Colosses avec sa lettre aux Colossiens (#Col 4:7-9). Mais l’apôtre ne se contenta pas de renvoyer Onésime: il accompagna ce retour d’une lettre magnifique et personnelle, dans laquelle il invitait Philémon à pardonner à son esclave et à l’accueillir de nouveau à son service, en tant que frère en Christ (vv. #Phm 15-17).
Thèmes historiques et théologiques
Philémon offre une perspective historique utile sur la relation entre l’Église et l’institution de l’esclavage. L’esclavage était très répandu dans l’Empire romain (selon des estimations, les esclaves constituaient plus du tiers de la population) et considéré comme tout à fait normal. A l’époque de Paul, il avait pratiquement remplacé le travail des ouvriers libres. Les esclaves pouvaient être médecins, musiciens, précepteurs, artistes, bibliothécaires ou encore comptables; en fait, toutes les activités professionnelles pouvaient être et étaient accomplies par eux.
D’un point de vue légal, les esclaves n’étaient pas considérés comme des personnes, mais comme des outils dans la main de leur maître. En tant que tels, ils pouvaient être achetés, vendus, donnés en héritage, échangés ou saisis pour payer la dette de leur propriétaire. Leurs maîtres jouissaient d’un pouvoir quasiment illimité pour les punir, et parfois ils le faisaient avec une immense sévérité pour les infractions les plus minimes. Du temps du N.T., cependant, quelques changements bénéfiques commençaient à intervenir. Réalisant que des esclaves heureux étaient beaucoup plus productifs, les maîtres tendaient à les traiter avec plus de douceur. Il n’était pas rare qu’un maître enseigne à un esclave son propre savoir-faire, et certains maîtres vivaient une relation d’amitié réelle avec leurs esclaves. Même s’ils n’étaient pas reconnus comme des individus par la loi romaine, le Sénat, en l’an 20 apr. J.-C., accorda aux esclaves accusés d’un crime le droit à un procès. Il devenait en outre plus fréquent que des esclaves reçoivent (ou acquièrent) leur liberté. Certains d’entre eux bénéficiaient d’un traitement et de services très favorables grâce à leur maître, et ils étaient parfois en meilleure posture que leurs collègues libres parce qu’ils étaient assurés de recevoir soins et vivres. Beaucoup d’hommes libres étaient réduits à la pauvreté.
Le N.T. n’attaque jamais directement l’institution de l’esclavage; s’il l’avait fait, l’insurrection qui se serait ensuivie aurait été brutalement réprimée et le message de l’Évangile à jamais assimilé à une révolution sociale. Au lieu de cela, le christianisme s’attaqua aux méfaits de l’institution en transformant le cœur des esclaves et des maîtres. En soulignant l’égalité spirituelle du maître et de l’esclave (v. #Phm 16 ; #Ga 3:28 ; #Ep 6:9 ; #Col 4:1 ; #1Ti 6:1-2), la Bible écarte tout abus. Le thème théologique, riche, qui domine à lui seul la lettre est le pardon, un thème fréquent dans le N.T. (cf. #Mt 6:12-15 ; #Mt 18:21-35 ; #Ep 4:32 ; #Col 3:13). Les instructions laissées ici par Paul livrent une définition biblique du pardon sans jamais le mentionner explicitement.
Questions d’interprétation
Il n’y a pas de difficultés significatives d’interprétation dans cette lettre personnelle de Paul à son ami Philémon.
1 ¶ Paul, prisonnier de Jésus-Christ, et le frère Timothée, à Philémon, notre bien-aimé et notre compagnon d’œuvre,
1:1-2 Selon la coutume, au Ier siècle, le nom de l’auteur de la lettre et de son destinataire figure dans la salutation. Cette lettre est très personnelle. Philémon est l’une des trois personnes (Timothée et Tite sont les deux autres) qui reçut une lettre inspirée de la part de Paul.
prisonnier de Jésus-Christ. Paul était alors prisonnier à Rome, pour la cause et par la volonté souveraine de Christ (cf. #Ep 3:1 ; #Ep 4:1 ; #Ep 6:19-20 ; #Ph 1:13 ; #Col 4:3). En mentionnant sa situation de prisonnier et non son autorité apostolique au début de cette lettre, Paul en fait un appel tout de douceur à un ami. Le rappel de ses souffrances allait forcément rendre Philémon plus disposé à accomplir le service, facile en comparaison de sa situation, que l’apôtre allait lui demander.
Timothée. Il n’est pas le coauteur de cette lettre, mais était à Rome lorsque Paul l’écrivit. Il avait probablement connu Philémon à Éphèse. Paul mentionne Timothée dans plusieurs épîtres (p. ex. #2Co 1:1 ; #Ph 1:1 ; #Col 1:1 ; #1Th 1:1 ; #2Th 1:1), car il voulait le voir reconnu comme un responsable et comme son héritier (non apostolique).
Philémon. Un membre aisé de l’Église de Colosses, qui se réunissait dans sa maison. Les édifices réservés au culte chrétien n’apparaissent qu’au IIIe siècle.
2 à la sœur Apphia, à Archippe, notre compagnon de combat, et à l’Église qui est dans ta maison:
Apphia, Archippe. La femme et le fils de Philémon.
dans ta maison. Les communautés du Ier siècle se réunissaient chez des particuliers, et Paul voulait que sa lettre soit lue devant les croyants rassemblés chez Philémon. Cela placerait Philémon face à ses responsabilités tout en prodiguant à l’Église un enseignement sur le thème du pardon.
3 que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ !
Que la grâce et la paix vous soient données. Paul commence ses treize lettres du N.T. par cette salutation; elle soulignait le moyen du salut (grâce) et ses conséquences (paix) et liait le Père et le Fils, affirmant ainsi la divinité de Christ.
Actions de grâces au sujet de la foi et de la charité de Philémon
4 Je rends continuellement grâces à mon Dieu, faisant mention de toi dans mes prières,
5 parce que je suis informé de la foi que tu as au Seigneur Jésus et de ta charité pour tous les saints.
Dans le texte grec, ce verset est écrit en chiasme (construction de type a b b’ a’): la première partie de la phrase, « l’amour », doit être rattachée à la dernière, « pour tous les saints ». Cet amour, fait de volonté, de choix, de sacrifice de soi et d’humilité (#Ga 5:22), manifestait l’authenticité de la foi « au Seigneur Jésus » de Philémon (cf. #Ro 5:5 ; #Ga 5:6 ; #1Jn 3:14).
6 Je lui demande que ta participation à la foi soit efficace pour la cause de Christ, en faisant reconnaître en nous toute espèce de bien.
participation. Généralement traduit « communion », le terme grec implique bien plus que le simple fait de jouir de la compagnie l’un de l’autre. Il renvoie à un partage qui concerne toute la vie, et qui est rendu possible par la vie commune qu’ont en Christ les croyants et par leur association ou appartenance les uns aux autres dans la « foi ».
efficace. Ou « puissante ». Paul voulait que les actes de Philémon transmettent à l’Église un message puissant sur l’importance du pardon.
reconnaître. Il s’agit de la connaissance profonde, riche et complète de la vérité, qui passe aussi par l’expérience.
7 J’ai, en effet, éprouvé beaucoup de joie et de consolation au sujet de ta charité ; car par toi, frère, le cœur des saints a été tranquillisé.
cœur. Littéralement « entrailles », terme grec qui désignait le siège des sentiments humains où le même mot grec est traduit par « sentiments »).
tranquillisé. Dérivé du terme militaire grec qui décrit une armée au repos suite à une marche.
Intercession de Paul pour l'esclave Onésim, qui s'était enfui de chez son maître Philémon
8 ¶ C’est pourquoi, bien que j’aie en Christ toute liberté de te prescrire ce qui est convenable,
toute liberté de te prescrire. Compte tenu de son autorité apostolique, Paul aurait pu ordonner à Philémon de faire bon accueil à Onésime.
9 c’est de préférence au nom de la charité que je t’adresse une prière, étant ce que je suis, Paul, vieillard, et de plus maintenant prisonnier de Jésus-Christ.
de préférence … je t’adresse une prière. Paul ne s’appuie pas sur son autorité, mais il s’attendait à une réponse basée sur le lien d’amour qui l’unissait à Philémon (verset #Phm 7 ; cf. #2Co 10:1).
vieillard. Plus qu’à son âge (il avait environ 60 ans lors de la rédaction de cette lettre), ce terme renvoie aux traces laissées sur lui par les persécutions, les maladies, les emprisonnements, les voyages difficiles et le souci constant pour les Églises. L’apôtre se sentait plus âgé qu’il ne l’était effectivement.
10 Je te prie pour mon enfant, que j’ai engendré étant dans les chaînes, Onésime,
mon enfant … Onésime. Il était le fils de Paul dans la foi.
engendré … dans les chaînes. Paul avait conduit Onésime à la foi en Christ alors qu’il était emprisonné à Rome.
11 qui autrefois t’a été inutile, mais qui maintenant est utile, et à toi et à moi.
inutile … utile. Paul fait un jeu de mots: « Utile (sens du nom Onésime) était autrefois inutile, mais il est maintenant utile ». Il insiste sur le fait qu’Onésime a été radicalement transformé par la grâce de Dieu.
12 Je te le renvoie lui, mes propres entrailles.
13 J’aurais désiré le retenir auprès de moi, pour qu’il me servît à ta place, pendant que je suis dans les chaînes pour l’Évangile.
14 Toutefois, je n’ai rien voulu faire sans ton avis, afin que ton bienfait ne soit pas comme forcé, mais qu’il soit volontaire.
volontaire. Paul souhaitait qu’Onésime serve à ses côtés, mais uniquement si Philémon acceptait avec joie et ouvertement de le libérer.
15 Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le recouvres pour l’éternité,
Peut-être. Paul suggère que Dieu avait, dans sa providence, opéré un renversement: le mal que représentait la fuite d’Onésime était finalement porteur de bien (cf. #Ge 50:20 ; #Ro 8:28).
16 non plus comme un esclave, mais comme supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé, de moi particulièrement, et de toi à plus forte raison, soit dans la chair, soit dans le Seigneur.
supérieur à un esclave … frère bien-aimé. Paul ne réclame pas la liberté d’Onésime (cf. #1Co 7:20-22), mais il s’attendait à ce que Philémon accueille son esclave comme un frère en Christ (cf. #Ep 6:9 ; #Col 4:1 ; #1Ti 6:2). Les chrétiens ne tentèrent pas d’abolir l’esclavage, mais ils cherchèrent à rendre les relations entre maîtres et esclaves plus saines et plus justes.
dans la chair. Dans cette vie physique, car ils travaillaient ensemble.
dans le Seigneur. Le maître et l’esclave devaient jouir de l’unité et de la communion spirituelles tout en adorant et œuvrant ensemble.
17 Si donc tu me tiens pour ton ami, reçois-le comme moi-même.
1:17-19 Paul offre de payer la dette d’Onésime pour le réconcilier avec Philémon, suivant l’exemple de Jésus qui a réconcilié les pécheurs avec Dieu.
18 Et s’il t’a fait quelque tort, ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte.
19 Moi Paul, je l’écris de ma propre main, — je paierai, pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi.
tu te dois toi-même à moi. Philémon devait à Paul quelque chose de bien plus grand que la dette matérielle que l’apôtre se proposait de rembourser, puisque celui-ci l’avait conduit à la foi qui sauve; c’était une dette que Philémon ne pourrait jamais rembourser.
20 Oui, frère, que j’obtienne de toi cet avantage, dans le Seigneur ; tranquillise mon cœur en Christ.
que j’obtienne de toi cet avantage. Pourrait être traduit « que je trouve ma joie en toi ». En pardonnant à Onésime, Philémon conserverait l’unité au sein de l’Église de Colosses et comblerait de joie l’apôtre prisonnier (cf. verset #Phm 7).
21 C’est en comptant sur ton obéissance que je t’écris, sachant que tu feras même au-delà de ce que je dis.
même au-delà de ce que je dis. Ce que Paul attendait de Philémon, outre le pardon, c’était peut-être qu’il
1° accueille Onésime avec enthousiasme, et non à contrecœur (cf. #Lu 15:22-24),
2° permette à Onésime, en plus de son travail servile, d’œuvrer avec lui sur le plan spirituel ou
3° pardonne à toute autre personne qui aurait pu lui causer du tort. Quelle qu’ait été l’intention de Paul, il n’essayait pas de pousser subtilement Philémon à accorder la liberté à Onésime.
Communication personnelle
salutation
22 En même temps, prépare-moi un logement, car j’espère vous être rendu, grâce à vos prières.
logement. Paul était l’hôte de Philémon lors de ses passages à Colosses.
vous être rendu. Paul espérait être libéré prochainement de prison (cf. #Ph 2:23-24) et pouvoir rejoindre Philémon et les autres Colossiens.
23 Épaphras, mon compagnon de captivité en Jésus-Christ, (1-24) te salue,
24 ainsi que Marc, Aristarque, Démas, Luc, mes compagnons d’œuvre.
Marc, Aristarque. L’histoire de la relation rompue, puis rétablie, entre Paul et Marc (#Ac 15:38-40 ; #2Ti 4:11) était certainement connue des croyants de Colosses (#Col 4:10). La mention de Marc rappelait à Philémon que Paul avait lui-même été confronté au défi du pardon et qu’il avait mis en pratique, dans le cadre de sa relation avec ledit Marc, les instructions qu’il donnait à son ami.
25 Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit !
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